L’éthique de la responsabilité anime l’homme politique, avant tout soucieux des conséquences de son action : Max Weber nous l’a appris, qui la distinguait de l’éthique de la conviction. Il n’est pas anodin que le maître-mot dont Jean Pierre Hupkens ait tenu à se réclamer auprès des électeurs soit précisément celui-ci, le mot de « conviction ». Ce qu’il donne ainsi à voir est crucial : à l’homme politique qu’un jour il a choisi de devenir, il importe de rechercher pas à pas, sans en sacrifier aucune, le subtil équilibre de l’éthique de la conviction avec l’éthique de la responsabilité.
Jean Pierre Hupkens ne veut pas ignorer, il le montre clairement, qu’à lui seul le Parti socialiste ne résume pas toute la gauche. Mais il est surtout fidèle à l’adolescent qui, une fois pour toutes, a fait ce choix existentiel : pour lui le socialisme est, et reste, la réponse rationnelle à la domination, à l’exploitation et à l’humiliation.
Je me souviens de l’avoir entendu évoquer avec ferveur Jorge Semprun accompagnant le grand sociologue Maurice Halbwachs dans son agonie, à Buchenwald, en lui récitant quelques vers de Baudelaire. Jean Pierre Hupkens, indéfectiblement populaire, est, inséparablement, un homme de culture. Il conçoit la production et la contemplation artistiques comme une expression de la pensée critique et une promesse d’émancipation. Comme Sartre qui identifiait la culture à la liberté, il en respecte ainsi, pour le dire d’un mot, le sens large que lui a donné l’anthropologie.
Être de gauche, cela suppose d’avoir fait, pour toujours s’y tenir, le pari de la liberté et de l’égalité. De poser, et de rappeler sans se lasser, qu’elles sont coextensives : que la liberté n’est pas sans l’égalité, ni l’égalité sans la liberté. J’en suis témoin depuis vingt-cinq ans : Jean Pierre Hupkens est à mes yeux de ceux qui s’efforcent de rester fidèles à cet idéal inconditionnel. C’est même là, je pense, le sens de son engagement réfléchi, lucide, au Parti socialiste. J’y entends, quant à moi, un écho d’Albert Camus : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse ».
Daniel GIOVANNANGELI