J’ai décidé de me porter candidat à la présidence de notre fédération.
Je le fais par cœur et par raison au nom des convictions socialistes qui sont les miennes depuis de nombreuses années.
Avant d’occuper le poste d’Echevin de la culture et de l’urbanisme de la Ville de Liège, j’ai notamment été une des chevilles ouvrières de l’hebdomadaire « Pour ». Lorsque cette aventure a pris fin, j’ai été engagé par ce qui s’appelait alors le Crédit communal de Belgique.
Quel homme de paradoxe diront certains : passer de l’extrême gauche à la banque !
Et pourtant je soutiens que dans chaque épisode de notre vie, il y a une place pour la cohérence. Si l’expérience de « Pour » a été pour moi une véritable école de militance politique, celle de la banque m’a permis d’apprendre à conduire une équipe dans un vrai respect de chacun de mes collègues, mais aussi du public lui-même.
Ces expériences m’ont aussi convaincu que l’adhésion ne naît pas d’une position hiérarchique mais bien des actes posés et que la victoire est toujours le fruit d’une dynamique collective.
Ces principes continuent de m’accompagner dans la nouvelle tranche de vie qui s’est ouverte pour moi avec mon élection comme conseiller communal en 2006, et aujourd’hui dans ma décision de me porter candidat à la Présidence de notre fédération.
Celle-ci est sans aucun doute un des lieux où, depuis ses premières heures, le socialisme est le plus vivace.
Elle est pourtant aujourd’hui au centre d’une tourmente qui menace de tout emporter.
La menace est d’autant plus grande que partout en Europe la gauche est en grande difficulté. Les nouvelles récentes venues d’Allemagne sont un signe trop fragile pour qu’une inversion de tendance puisse à ce jour être espérée.
Depuis 40 ans, la gauche ne cesse de reculer, perdant peu à peu l’ascendant dans le débat d’idées. Dans un monde où tout ce qui est collectif semble suspect, l’individualisme forcené et son corollaire le tout au marché sont devenus la norme. Des deux éléments essentiels de la vie en société, le public et le privé, c’est le privé qui l’emporte. Il est désormais en position hégémonique sur le plan économique ; la marchandisation du champ culturel ou encore le recul de la laïcité en sont d’autres symptômes.
Dans ce contexte, la gauche se cherche un nouveau souffle et, dérive dangereuse, elle est souvent tentée d’infléchir son discours en incorporant, sans cesse, de nouvelles doses de libéralisme. La déferlante qui s’abat sur notre fédération intervient donc dans un environnement déjà dégradé où le socialisme apparaît dépassé aux yeux de beaucoup.
La crise que nous vivons est multiple : elle recèle des questions d’éthique personnelle et collective, elle interroge des options économiques fondamentales, elle comporte des éléments de fonctionnement démocratique, d’implication militante et des composantes sous régionales…
Nous avons le sentiment qu’elle pourrait nous être fatale, tant notre position nous paraît inconfortable, menacés que nous sommes par une « gauche radicale » qui nous désigne comme principal adversaire et une droite, largement majoritaire dans le pays, qui sent le rêve d’en finir avec les socialistes à portée de main pour liquider ainsi ce qui parait être une exception wallonne (le débat sur le CETA en atteste).
Il ne nous reste que quelques mois avant l’échéance électorale de 2018 que chacun s’accorde à qualifier de cruciale.
Nous ne pourrons la franchir victorieusement qu’en puisant au plus profond de nous-même les forces de notre idéal socialiste, celui d’une société solidaire inspirée de justice sociale et d’égalité.
Cela passe par chacun d’entre nous. Cela passe aussi par une réorganisation de notre fédération, que je vous propose d’aborder selon 5 priorités.
NB: Le propos est délibérément centré sur des questions de structure et de fonctionnement de notre fédération. Il ne s’agit pas d’un programme électoral au sens de celui que le Parti développe en cas d’élections.
1. Il faut rendre à la figure du militant, de la militante, la place centrale. C’est bien là que se trouve la force principale de notre parti. Ce sont les militant(e)s qui alimentent la ligne du parti, qui la valident et qui l’expérimentent au cœur de la population.
Toutes les instances, de la section au comité fédéral, en passant par les structures spécifiques (jeunes, ainés, …), doivent être comprises selon cette exigence. La participation doit donc être élargie par la stimulation des contributions des sections locales, chaque fois que l’occasion s’en présente (lors de congrès par exemple), par des rapports faits par nos mandataires, députés, ministres (à l’invitation des cantonales par exemple) … De manière générale, le contrôle des mandats, exercés au nom du parti, doit être effectif et exhaustif, tant sur les conditions de ces mandats que sur leur contenu.
Cela signifie donc clairement que les rémunérations dont les mandats sont assortis, tout comme la charge de travail et les responsabilités qu’ils comportent, doivent être clairement identifiées.
Nous ne pouvons en effet nous satisfaire, en tant que socialistes, d’une démocratie formelle ni nous accommoder d’écarts extravagants entre les revenus des citoyens. Nous y gagnerons tous et au passage nous couperons les ailes à quelques canards (pas l’enchaîné dont je suis fidèle lecteur), et moi le premier, puisque je suis régulièrement stigmatisé comme un des plus grands « cumulards » de Wallonie.
A ceci près que bon nombre des mandats que j’exerce le sont à titre gratuit, directement liés à ma fonction et intégrés au périmètre de celle-ci, qu’il s’agisse de culture, d’urbanisme ou d’interculturalité : Musée d’art religieux, Fondation Liège patrimoine, Musées de Liège, Musée de la Boverie, Fondation ars mechanica, Théâtre de Liège, Orchestre Philarmonique Royal de Liège, Trianon, Maisons des jeunes de Glain et de Bressoux, centre culturel communautaire, centre culturel de Chênée,… (pour mémoire ma liste actualisée de mandats est publiée sur mon site www.jeanpierrehupkens.be).
Mais fermons la parenthèse pour dire encore que je propose d’étudier, avec notre Commission de vigilance et en collaboration avec les USC, un Code de déontologie de notre fédération. Celui-ci devra notamment contenir l’obligation pour chaque mandataire de rédiger une note de synthèse annuelle sur chaque mandat exercé.
En outre, la formation des militants doit retenir toute notre attention. C’est une demande que vous formulez régulièrement.
Notre fédération s’est dotée d’un bureau d’études. Il convient de le solliciter pour qu’il produise des notes d’orientation largement diffusées. Soulignons également que la famille socialiste dispose de ressources en matière d’éducation permanente qu’il s’agit de mobiliser, à nous d’en disposer. Il convient aussi, j’en suis convaincu pour en avoir personnellement assumé la charge durant 3 ans, de remettre sur pied un cycle de formations. Celles-ci ont pour vertu, outre la connaissance qu’elles apportent, d’être des lieux où se rencontrent les militants venus d’horizons divers. Elles permettent aussi que des solidarités se nouent et préparent les mandataires de demain.
Pour que ces formations soient un succès, il est impératif que la fédération en assure l’information (avec le soutien des sections ou des ligues). En matière de formation et de débat, je propose enfin qu’une « Université d’été » soit organisée sur le territoire de la fédération. Une première expérience pourrait être mise en place dès cette fin d’été prochain en forme simplifiée, eu égard aux délais, avant d’être pleinement installée à l’été 2018.
2. Nos structures et nos méthodes de travail doivent être réformées. Il s’agit d’une part d’assurer autant que possible des représentations des différentes composantes territoriales et socio-démographiques de notre fédération au sein de nos instances. Il s’agit également de donner plus de régularité et de substance à notre « parlement » : l’assemblée fédérale.
Quatre assemblées fédérales par an doivent obligatoirement être tenues. L’assemblée fédérale doit, en outre, être réunie chaque fois qu’un thème majeur se présente. Les assemblées fédérales doivent être organisées afin de garantir une possibilité de prise de parole structurée par les délégués ; à cet effet, une part significative de chaque séance leur sera dévolue.
Enfin, je suggère qu’il soit inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée un engagement, une prise de position, ou le rappel d’une prise de position (l’exemple récent du « pacte d’excellence » pourrait être pris ou encore une thématique générale comme la réduction du temps de travail, ou encore le CETA, etc.) qui fasse l’objet du vote d’une motion à communiquer au bureau du parti et d’une publication vers l’extérieur.
De la même manière, la fédération doit favoriser, notamment en utilisant pleinement les compétences des mandataires et des membres du comité Fédéral mais aussi des structures sœurs ou spécifiques, voire de camarades en particulier, l’enrichissement en contenu de nos réunions locales.
Des groupes de travail doivent être mis sur pied sur différents sujets : action commune, communication, formation, supracommunalité, nouvelles adhésions, coordination du travail des parlementaires, etc.
A cette occasion, une attention particulière sera accordée à la participation et à la représentation de toutes les composantes de la fédération. Rajeunir notre parti est une priorité absolue. Il conviendra, à cet égard, d’en tenir compte à tous niveaux, à commencer par la confection des listes électorales.
3. Défendre le point de vue socialiste et liégeois.
Il me parait urgent et indispensable d’assurer la cohérence de la famille socialiste sur notre territoire. A l’intérieur de notre parti d’abord, mais aussi bien sûr, dans le cadre de l’action commune dont la dimension culturelle (le PAC) doit être considérée. Un travail important a été réalisé à cet égard. Il doit être amplifié et concerner la fédération toute entière.
L’actualité démontre à suffisance, que des modèles, par exemple l’initiative publique en matière de services d’industrie ou de commerce, peuvent être conçus de manière spécifique selon le lieu considéré.
La question « Publifin » est à cet égard un cas d’école car au-delà des questions de rémunérations et s’il est vrai, je le répète, qu’aucun socialiste ne peut s’accommoder d’écarts extravagants en la matière, de manière générale au niveau de la société et de manière particulière dans nos rangs, la question de l’initiative publique de la lutte à mort entre public et privé y est posée.
Ce qui est insupportable à d’aucun, c’est qu’une structure publique s’intéresse à des secteurs d’activités que le privé convoite. C’est au-delà, toute la présence du public, entendons ce qui est soustrait aux appétits du « marché », qui est ici posée. C’est le socle solide de services accessibles à tous (logements, distribution ou épuration des eaux, soins de santé, instruction, etc.) qui est mis en cause.
Nous avons, à Liège, des particularités dont les Intercommunales pures qui doivent être revendiquées, illustrées et parfois défendues. Cela ne peut se faire que si la famille socialiste est réunie et cohérente.
Notre fédération doit être le moteur à la fois de cette réunion et de cette cohérence. Le travail réalisé doit être amplifié et placé dans un cadre structuré fait d’objectifs et de calendriers. Ce travail de réunion doit être étendu à l’ensemble des fédérations de la Province. C’est au travers de ce travail de cohérence que les socialistes retrouveront un rôle moteur, au-delà des combats qui leur sont propres, dans la défense des intérêts du pays de Liège tant en matière de logistique, d’aides publiques, de supracommunalité, de pôle universitaire, d’aménagement du territoire que de développement économique ou commercial, ou encore coopératif et d’économie sociale.
Il s’agit bien d’assurer un rôle majeur de la région liégeoise en Wallonie, en Belgique et en Europe. Nous avons été à cet égard trop malmenés ces dernières années.
4. Révolutionner notre communication.
Des efforts importants ont été faits ces dernières années mais nous sommes encore loin d’être entrés de plein pied dans le XXIème siècle en matière de communication. Il est impératif d’intégrer les nouvelles technologies, mais aussi produire des formes qui soient attractives et accessibles.
Cela ne sera efficace qu’en impliquant, dans un schéma d’intervention coordonné, de nombreux militants. A la communication verticale qui parcourt nos structures, doit s’ajouter une communication horizontale qui se dissémine à travers les militants, nos contenus et nos prises de positions (Par exemple une motion votée en assemblée fédérale).
La réactivité doit également être améliorée. C’est pourquoi je plaide pour la création d’une responsabilité spécifique en la matière. Pour autant les « vieux outils de communication », tel que notre journal, ne doivent pas être abandonnés, mais réformés et surtout diversifiés dans leurs contenus. J’entends y donner la parole aux militants et valoriser davantage leurs activités.
De la même manière, la fédération doit pouvoir offrir un soutien logistique (graphisme, impression centralisée, …) afin que chaque section dispose d’une feuille d’information qu’elle peut distribuer sur l’ensemble de son territoire. Enfin, une réflexion, sur le « matériel de propagande » disponible et à créer, doit être entamée.
5. A la rencontre de la population. A l’assaut des élections.
Tout le travail de remobilisation de nos militants doit trouver son aboutissement dans une démarche vers la population. Pour recruter de nouveaux adhérents, bien sûr, et reconquérir ceux qui nous ont quittés (indispensable travail du sectionnaire à cet égard !). Mais recruter ne peut suffire : il faut accueillir, encadrer, former, impliquer.
Le nouvel adhérent doit bénéficier d’un accueil personnalisé et d’une information, sur le parti en général et sa section en particulier, sous une forme à définir (un « kit » par exemple).
Mais il s’agit également d’aller à la rencontre de la population, en général, en assurant la présence revendiquée des socialistes, à commencer par les élus, dans les manifestations locales, culturelles, ou sportives, dans les comités de quartiers, etc. Par le développement aussi de techniques comme les marches exploratoires (qui consistent à convier la population à un diagnostic de son environnement immédiat).
Ce travail de proximité est la clé du succès. Toute l’énergie de la fédération doit y concourir. Nous devons également être attentifs aux nouvelles formes d’action collective et de militance qui émergent dans la société civile, et qui à travers des structures diverses (comme les ONG) témoignent du maintien d’un intérêt pour la chose publique. Nous devons être capables d’opérer une jonction avec ces engagements.
Il ne s’agit pas de sauver une structure, en tant que telle, mais bien parce qu’elle est porteuse d’un idéal : le socialisme, qui est, je le rappelle, un choix de société et d’une stratégie pour l’ancrer dans la réalité.
Seul aujourd’hui à porter concrètement l’intérêt collectif et le bien commun, le socialisme est plus que jamais d’actualité si nous voulons que la concorde règne et que chacun trouve sa place au soleil.
Je me présente à vous sans autre ambition que celle de servir ce combat, modestement, mais avec fierté et détermination.
Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. – Sénèque